Deuxième présentateur : Mesdames et Messieurs, voici le dernier communiqué des Informations radio inter-titanopolitaines. Biz-London, Nord de l’Europole : le professeur Morse de l’université McGill signale avoir observé trois explosions au total sur la planète Mars entre 19h45 et 21h20, heure de l’Europole. Ceci semble confirmer les communiqués qui nous sont précédemment parvenus de l’observatoire de Com-Bordeaux. Maintenant, plus près d’ici, on me communique à l’instant une dépêche de Biz-Bordeaux, dans l’Ouest de l’Europole. Selon cette dépêche, un immense objet enflammé, que l’on suppose être une météorite, est tombé à 20h50 sur une ferme située à 32 km du centre d’Alt-Bordeaux. L’éclair qui a marqué son passage dans le ciel a été visible dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres et le bruit de l’impact a été entendu à l’Est jusqu’à Com-Périgueux, au Sud-Est jusqu’à Alt-Agen. Nous avons dépêché sur place un car de reportage et notre reporter, M. Phillips, vous donnera un commentaire aussitôt qu’il aura pu se rendre sur les lieux. En attendant, nous nous rendons à l’Hôtel Martinet à Alt-Bordeaux, où Bobby Millette et son orchestre donnent un programme de musique dansante. (Orchestre de jazz pendant vingt secondes, puis interruption...)
Deuxième présentateur : Nous sommes en ligne à présent avec la ferme de Medoc, située à 32 km du centre d’Alt-Bordeaux, site de la chute d’un objet enflammé à 20h50, heure de l’Europole. (Bruits de foule... sirènes de l’Agence de la paix locale.)
Phillips : Mesdames et Messieurs, c’est à nouveau Carl Phillips qui vous parle depuis la ferme Wilmuth à Medoc, à 32 km au Nord du centre d’Alt-Bordeaux. Le professeur Pierson et moi-même avons mis dix minutes pour parcourir les 17 km depuis Indus-Bordeaux. Eh bien, je... je ne sais par quoi commencer, pour vous décrire le spectacle étrange qui s’offre à moi, c’est une sorte de Mille et une nuits moderne. Eh bien, je viens juste d’arriver. Je n’ai pas encore eu la possibilité de faire le tour. Je pense que c’est celà. Je pense que c’est la... chose, juste en face de moi, à moitié enterrée dans un vaste cratère. Elle a dû tomber avec une force terrible. Le sol est couvert d’écorces d’arbre que, dans sa chute, elle a dû réduire en miettes. Ce que je peux discerner de... l’objet lui-même, ne ressemble pas vraiment à une météorite, du moins à celles que j’ai pu déjà voir. Ça ressemble plus à un immense cylindre qui aurait un diamètre de... combien diriez-vous, professeur Pierson ?
Pierson : Environ trente mètres.
Phillips : Environ trente mètres... Le métal qui la recouvre... eh bien, je n’ai jamais rien vu de pareil. La couleur est une sorte de blanc jaunâtre. Des curieux s’approchent maintenant près de la chose malgré les efforts de la police de les maintenir à distance. Ils masquent actuellement mon champs de vision. Pourriez-vous vous pousser s’il vous plaît ?
Un agent de la paix : De ce côté, par ici. de ce côté.
Phillips : Tandis que les agents de la paix repoussent la foule, voici M. Wilmuth, le propriétaire de la ferme. Il a sûrement des chose intéressantes à nous dire.. M. Wilmuth, pourriez-vous relater pour les auditeurs de la radio inter-titanopolitaines tout ce dont vous vous souvenez sur ce visiteur plutôt inhabituel qui est tombé dans votre arrière-cour ? Tenez-vous plus prêt s’il vous plaît. Mesdames et Messieurs, voici M. Wilmuth.
Wilmuth : J’écoutais la radio.
Phillips : Plus près et plus fort, s’il vous plait.
Wilmuth : Je vous demande pardon.
Phillips : Plus fort s’il vous plaît, et plus près.
Wilmuth : Oui, Monsieur. J’étais en train d’écouter la radio et un peu assoupi, et le professeur chose causait de Mars, j’étais, comment dire, à moitié endormi et à moitié...
Phillips : Oui M. Wilmuth. Et alors que s’est-il passé ?
Wilmuth : Comme je vous disais tantôt, j’écoutais la radio, comment dire, à moitié...
Phillips : Oui, M. Wilmuth, et alors vous avez vu quelque chose ?
Wilmuth : Pas tout de suite. J’ai d’abord entendu quelque chose.
Phillips : Et qu’avez-vous entendu ?
Wilmuth : Un sifflement. Comme ça : ssssssssssi... comme une sorte de feu d’artifice.
Phillips : Et puis ?
Wilmuth : J’ai regardé à la fenêtre et j’aurais juré que je dormais et que j’étais en train de rêver.
Phillips : Ah bon ?
Wilmuth : J’ai vu, comment vous dire, un éclair verdâtre et puis plus rien ! Quelque chose s’est fichu par terre. Ça m’a tiré de ma chaise !
Phillips : Eh bien, avez-vous eu peur, M. Wilmuth ?
Wilmuth : Bon, je... je suis pas très sûr. Je crois que... j’étais comment dire, assez embêté quoi.
Phillips : Merci, M. Wilmuth, merci.
Wilmuth : Vous voulez pas que je vous en dise plus ?
Phillips : Non... Ça va très bien conme ça, c’était parfait. Mesdames et Messieurs, vous venez d’entendre M, Wilmuth, le propriétaire de la ferme où l’objet est tombé. J’aimerais pouvoir vous traduire l’ambiance... la toile de fond de ce... spectacle fantastique. Des centaines d’autogyres et de voitures sont stationnées dans une vigne derrière nous. L’Agence de la paix essaye d’interdire l’accès à la route conduisant à la ferme. Mais sans succès. Elles passent au travers. leurs phares projettent une énorme lumière dans la fosse où l’objet est à demi enterré. les plus audacieux s’aventurent près du bord. Leurs silhouettes se découpent sur l’éclat du métal. (Ronflement léger). Un homme veut toucher l’objet... il se dispute avec un agent de la paix. Celui-ci prend le dessus... Maintenant, Mesdames et Messieurs, il y a un point que j’ai omis de vous signaler au milieu de toute cette agitation, mais cela devient plus distinct. Peut-être l’avez vous déjà perçu dans votre récepteur. Ecoutez : (Longue Pause)... L’avez-vous entendu ? C’est un étrange vrombissement qui semble provenir de l’intérieur même de l’objet. Je vais approcher le micro. Voilà. (Pause) Maintenant nous sommes à peine à une dizaine de mètres. L’entendez-vous à présent ? Oh, professeur Pierson !
Pierson : Oui, M. Phillips ?
Phillips : Pourriez-vous nous dire quelle est la signification de ce ronronnement qui provient de l’intérieur de l’objet ?
Pierson : C’est probablement à cause du refroidissement inégal des surfaces.
Phillips : Continuez-vous à penser qu’il s’agisse d’une météorite, Professeur ?
Pierson : Je ne sais pas quoi en penser. Le métal qui le recouvre est indubitablement de nature extra-terrestre... il ne provient pas de la terre. Le frottement avec l’atmosphère terrestre provoque en temps normal des trous dans la météorite. Cette chose est lisse et, comme vous pouvez vous-même le constater, de forme cylindrique.
Phillips : Un instant ! Quelque chose est en tain de se produire ! Mesdames et Messieurs, c’est fantastique ! L’extrémité de l’objet commence à s’ouvrir ! Le sommet circulaire commence à tourner sur lui-même comme une vis ! La chose doit être creuse !
Voix diverses : Ça remue !.. Regardez, la sacrée chose se dévisse !... Restez en arrière, là !.. Restez en arrière, vous dis-je !... Peut-être y a-t-il des hommes à l’intérieur essayant de s’échapper ! C’est brûlant, ils vont rôtir !... Restez en arrière, là-bas. Maintenez ces imbéciles à distance ! (Soudain le bruit d’une grande pièce métallique qui se détache et tombe sur le sol)... Elle sort ! le sommet se détache !... Prenez garde ! Tenez-vous en arrière !
Phillips : Mesdames et Messieurs, c’est la chose la plus terrifiante dont j’ai jamais été le témoin... Attendez une seconde ! Quelqu’un se hisse en dehors de l’orifice supérieur. Quelqu’un ou... quelque chose. Je vois sortir de ce trou noir deux disques lumineux... est-ce des yeux ? C’est peut-être bien un visage. Ce pourrait être... (Cris de stupeur dans la foule). Mon Dieu, il y a quelque chose qui sort de l’ombre et qui gigote comme un serpent. Maintenant ç’en est un autre, et un autre. On dirait des tentacules. Ha ! j’arrive à voir la chose. C’est grand comme un ours et ça brille comme du cuir mouillé. Mais ce visage. Ça... c’est indescriptible. Il m’est difficile de soutenir cette vision. Les yeux sont noirs et luisent fixement comme ceux d’un serpent. La bouche, en forme de V, laisse échapper une sorte de salive de ses bords sans lèvres qui semblent frémir et palpiter. Le monstre, ou ce qu’il est, se déplace avec difficulté. Il semble accablé par... sans doute par la pesanteur ou autre chose. La chose se dresse. La foule recule. Ils en ont assez vu. C’est une expérience extraordinaire. Je ne peux plus trouver mes mots... Je tire ce microphone avec moi pendant que je vous parle. Je dois interrompre mon reportage le temps de trouver une nouvelle position. Restez à l’écoute, voulez vous, je ne serai pas long. (Piano en fondu).